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                 Château Royal de Collioure    

                 21 avril - 11 juin 2023   

 

                      Tina Kambani

 

             « Naviguer sans boussole »

    

 

     Voyager dans les peintures de Tina Kambani c’est parcourir la carte du tendre. Ses premières barques, aux couleurs qui débordent, sont celles des parties de pêche avec son papa, n’importe où dans la compagnie des iles. Ces barques, qui, pensons à Ia théorie du clinamen d’Epicure, sont, dans l’entrebâillement du temps, celles des migrants qui s’échouent sur l’île de Lesbos.

    Tina Kambani est originaire de Psara, l’île par excellence des pêcheurs et surtout des marins, ces marins grecs que l’on suit dans tous les ports de la méditerranée et du monde, âmes perdues dans des romans traversés de femmes, qu’ils pleurent. A les entendre, quoiqu’on ne les voit pas dans les tableaux de Tina, on ne penserait pas que la mer est un monde a-humain, peuplée des seuls hommes qu’elle a mangés. Les ports, qui voudraient en être l’abri, qui les attirent et les repoussent, eux-aussi bancals, sont tout autant des dévoreurs, d’hommes, de marchandises, et de désirs et de rêves.

     C’est un marin de Psara qu’elle a accompagné, un temps, au gré de paysages maritimes sans horizons, ou plutôt, si j’en crois ma propre expérience, ouverts sur quatre et donc une multitude d’horizons et de lumières, qui, dans les toiles de Tina, s’entrechoquent et se multiplient. Autour d’un cargo, qui, au-delà des conteneurs qui lient un monde alors invisible, charrie des êtres mi poissons mi oiseaux, bris de couleurs modernes mais du fond des temps. Peut-être des êtres, issus d’une violence, elle aussi invisible, qui seraient des déchets plastiques comme ceux que nous collectionnons sur nos plages.

    Les cartes dont elle a hérité, elle les a menées en voyages, par la main. Couvertes de barques et de tankers, à grands traits noirs et bleus défiant les itinéraires. Les bateaux dont les noms sont masculins sont féminins, dit un poète. Comme les cartes. Féminins, ainsi il en va des bateaux de Tina Kambani, de la mer avec laquelle ils riment et de la mer lorsqu’elle caresse les ports que, plus récemment, elle a peint, Collioure, pleine d’ocres, Port Vendres, et ceux des mers du Nord, plus délavés, qu’elle a découvert en suivant à la trace Signac, de Barfleur à la Baule. 

Vers 2015, une série de peintures de l’île de Tinos, représentent les rochers qui dévalent vers la mer. Ce sont, dit-elle, ses premiers travaux d’après nature. Viendra ensuite, de cette manière, de nombreux paysages portuaires.

    Signac n’était pas marin, mais libertaire, ce qui est visible dans ses tableaux par le projet soutenu d’une déclinaison des couleurs et d’une division des tons. Et cela l’a été dans le trouble que lui a procuré la Grande Guerre et l’union sacrée. On ne peut pas penser que Tina Kambani ne l’aurait suivi que pour percer le mystère de ses toiles, toutes en douceurs. Car dans l’œuvre de Tina, dans un faux air de douceur et de quiétude, se tapie le bruit du monde et le silence des miséreux. Aujourd’hui encore, s’éloigne la paix.

    L’œuvre de Tina Kambani ne célèbre pas le voyage, quand bien même elle en célèbre les rêves/la possibilité. Tout voyage est finalement une migration, avec ses peines féroces et ses joies, une séparation, au risque d’une dispersion de la famille. Le loup nous dit cela, lui qui a autant besoin de solitude pour créer/sentir l’espace vierge, que de se caler au sein des siens.

Gilles Allaire, Toulouse, janvier 2023

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