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Exposition au Chateau Royal de Collioure

                21 avril-11 juin 2023

1985-2023

Ca nous fait 38 ans

Non mais…

 

Ca a commencé à Paris en 1980

Ca continue à Perpignan en 2023

 

Sans boussole 

Ou comme un poisson hors de l’eau

Qui se bat et qui se cogne la queue jusqu’à rendre l’âme 

Quelle joie quand le poisson mord l’appât 

Οn tire brusquement et hop 

Moi aussi j’ai mordue l’appât plusieurs fois 

Quelle joie!

Autant de me battre on me remettait à l’eau, plouf 

Finalement j’ai su survivre. 

En m’éloignant de l’eau

Ou en prenant le large aux quatre horizons

Je savais tracer la route, utiliser la boussole bien sûr

Mais le « klinamen » m’emmenait ailleurs 

J’étais une grande sportive, pas de culture artistique 

Je suis devenue artiste peintre, École des Beaux-arts de Paris

Mais où mettre le cap?

Que peindre?

Vite je veux être une grande peintre faire de grandes peintures 

Avec des gros pinceaux trempés dans des grands seaux de peinture

Plaf plaf 

Pollock, De Kooning avec son grand atelier à côté de la mer

Se baladant avec son chien

Je l’ai fait

J’ai eu un chien Sampson

J’ai louée une maison au bord de mer en Bretagne 1981-83

La mer qui partait loin 

Les bateaux allongés sur le sable

La marée haute marrée basse

La cheminée qui fumait avec le vent

Les araignées qui faisaient des trous aux quatre coins des murs

Les arbres en pleine lune

Seule pleurant le divorce de mes parents

Des odeurs familiers qui me manquaient

Je voulais peindre l’amour, la passion érotique 

Pas de barques pas de bateaux

Je me battais je me cognais

Mais je n’étais pas Joan Mitchell

Ni Pierre Alechinsky ni Bram Van Velde

Que peindre?

J’aime la couleur la mer et la musique

Je veux le tableau qui soit mon bateau et moi le capitaine

Qui soit mon orchestre et moi le maestro

Je veux que mes pinceaux plongent dans les seaux de couleurs

Et comme un Samouraï avec son sabre 

Donner des coups de pinceaux précis et exacts 

Je veux que mon tableau joue du violon comme Hilary Hahn

Je veux qui bouge, qui danse, qui navigue dans la tempête 

Voir le fond de la mer ensemble

Les lignes de l’horizon

La joie du voyage

Tracer des routes

Ecouter le vent, les vagues

Et la solitude du navigateur

De l’amoureux rester à terre

De l’enfant qui attend sa mère

Je peins des bateaux, des barques, des ports

Je sens l’odeur des mains de mon père

Qui plongeait dans la mer pour réparer le moteur du bateau

Ou pour décrocher l’ancre dans les ports

Je peins des paysages pour retrouver l’odeur de la terre après la pluie

L’émerveillement du premier regard

Des portraits pour trouver la passion de l’être humain ou animal

Tracer les chemins de vies d’amis chers

 

Et les années qui passent

Les déménagements 

Mes parents qui sont plus là

Mes deux fils

Mes amoureux

Mes amis

 

Je ne serai pas arriver ici aujourd’hui au Château Royal de Collioure sans votre soutient

 

Merci

 

Tina Kambani à Perpignan le 1/3/2023

                 Château de Collioure    

                 21 avril - 11 juin 2023   

 

                      Tina Kambani

 

             « Naviguer sans boussole »

                Peintures 1985-2023 

 

Voyager dans les peintures de Tina Kambani c’est parcourir la carte du tendre. Ses premières barques, aux couleurs qui débordent, sont celles des parties de pêche avec son papa, n’importe où dans la compagnie des iles. Ces barques, qui, pensons à Ia théorie du clinamen d’Epicure, sont, dans l’entrebâillement du temps, celles des migrants qui s’échouent sur l’île de Lesbos.

Tina Kambani est originaire de Psara, l’île par excellence des pêcheurs et surtout des marins, ces marins grecs que l’on suit dans tous les ports de la méditerranée et du monde, âmes perdues dans des romans traversés de femmes, qu’ils pleurent. A les entendre, quoiqu’on ne les voit pas dans les tableaux de Tina, on ne penserait pas que la mer est un monde a-humain, peuplée des seuls hommes qu’elle a mangés. Les ports, qui voudraient en être l’abri, qui les attirent et les repoussent, eux-aussi bancals, sont tout autant des dévoreurs, d’hommes, de marchandises, et de désirs et de rêves.

C’est un marin de Psara qu’elle a accompagné, un temps, au gré de paysages maritimes sans horizons, ou plutôt, si j’en crois ma propre expérience, ouverts sur quatre et donc une multitude d’horizons et de lumières, qui, dans les toiles de Tina, s’entrechoquent et se multiplient. Autour d’un cargo, qui, au-delà des conteneurs qui lient un monde alors invisible, charrie des êtres mi poissons mi oiseaux, bris de couleurs modernes mais du fond des temps. Peut-être des êtres, issus d’une violence, elle aussi invisible, qui seraient des déchets plastiques comme ceux que nous collectionnons sur nos plages.

Les cartes dont elle a hérité, elle les a menées en voyages, par la main. Couvertes de barques et de tankers, à grands traits noirs et bleus défiant les itinéraires. Les bateaux dont les noms sont masculins sont féminins, dit un poète. Comme les cartes. Féminins, ainsi il en va des bateaux de Tina Kambani, de la mer avec laquelle ils riment et de la mer lorsqu’elle caresse les ports que, plus récemment, elle a peint, Collioure, pleine d’ocres, Port Vendres, et ceux des mers du Nord, plus délavés, qu’elle a découvert en suivant à la trace Signac, de Barfleur à la Baule. 

Vers 2015, une série de peintures de l’île de Tinos, représentent les rochers qui dévalent vers la mer. Ce sont, dit-elle, ses premiers travaux d’après nature. Viendra ensuite, de cette manière, de nombreux paysages portuaires.

Signac n’était pas marin, mais libertaire, ce qui est visible dans ses tableaux par le projet soutenu d’une déclinaison des couleurs et d’une division des tons. Et cela l’a été dans le trouble que lui a procuré la Grande Guerre et l’union sacrée. On ne peut pas penser que Tina Kambani ne l’aurait suivi que pour percer le mystère de ses toiles, toutes en douceurs. Car dans l’œuvre de Tina, dans un faux air de douceur et de quiétude, se tapie le bruit du monde et le silence des miséreux. Aujourd’hui encore, s’éloigne la paix.

L’œuvre de Tina Kambani ne célèbre pas le voyage, quand bien même elle en célèbre les rêves/la possibilité. Tout voyage est finalement une migration, avec ses peines féroces et ses joies, une séparation, au risque d’une dispersion de la famille. Le loup nous dit cela, lui qui a autant besoin de solitude pour créer/sentir l’espace vierge, que de se caler au sein des siens.

Gilles Allaire, Toulouse, janvier 2023

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